Revue de Presse

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Le plan d'urgence spéléo a tourné, samedi, au fiasco

L'Yonne Republicaine, édition du lundi 05 décembre 1988.

La « Come-Sainte-Marie », cavité de 56 mètres de profondeur, située dans les bois d'Annoux, non loin de Massangis, devrait être rebaptisée « gouffre du fiasco ». La manœuvre départementale de samedi après midi intitulée « plan d'urgence spéléo » (une annexe du plan ORSEC) avait été déclenchée vers 16 heures. Trois heures plus tard, la centaine de pompiers venus de tout le département et qui avaient à contre-cœur quitté la table de la Sainte-Barbe, pouvait replier bagage. Le faux blessé, allongé 56 mètres plus bas, remontait tout seul en rappel. La manœuvre, bien tenue secrète, a tourné en eau de boudin. Bien dos officiels devaient se mordre Ves doigts d'avoir convié la pressa à assister à un exercice annoncé « unique » qui a viré au règlement de compte sur le terrain.

Les spéléos : « On n'est pas là pour jouer au petit soldat »

Ce sont les membres de la Fédération française de spéléologie, basés dans L´Yonne, les seuls habilités, en raison d'une convention qui les lie à la préfecture, à descendre dans les gouffres pour secourir les blessés, qui ont volontairement mis le ver dans le fruit. Alain Guillon, conseiller technique départemental, et deux de ses amis, spéléologues eux aussi, ont refusé de se prêter à l'exercice. « Nous sommes des bénévoles, on n'est pas là pour jouer au petit soldat. Nous refusons en raison du manque de concertation dans la préparation. Un projet d'exercice en commun, ça se négocie. On sera toujours O-K pour la solidarité, prêt pour aller chercher n'importe qui. Mais pas dans le cadre d'une manœuvre comme celle-ci. D'autant que ce gouffre, on le connaît par cœur. Nous avons déjà fait quatre sauvetages à cet endroit. Si l'on avait demandé notre avis, nous aurions proposé un autre lieu ».

Le directeur du cabinet du préfet n'a pas souhaité débattre sur place du problème. Il devrait convoquer les spéléos ces prochains jours pour tirer les choses au clair. Et dans le calme. Il n'a fait qu'enregistrer leur position tout en rappelant néanmoins « qu'une manœuvre, c'est la même chose pour tout le monde. Si l'on veut pouvoir tester la fiabilité des secours, il faut bien que l'on déclenche inopinément de tels exercices sans avertir personne ».

A 19 heures, les pompiers débranchèrent les groupes électrogènes et reprirent le chemin de leurs casernes, pas mécontents d'avoir prouvé leur capacité de mobilisation et tout heureux de pouvoir rejoindre les banquets de la Sainte-Barbe sur lesquels ils avaient fait une croix.

« Un exercice de cette envergure, ce n'est pas pour voir ce qui va bien, mais, au contraire, pour constater ce qui ne marche pas », avait affirmé, en présentant l'opération, le directeur de la Sécurité civile de L´Yonne, Roger Hirsch. Il ne pensait sans doute pas si bien dire.

Philippe THURU.

Article mis en ligne le : 16 avril 2008