Revue de Presse

Des rhinocéros à Arcy-sur-Cure

L'Yonne Republicaine, édition du vendredi 27 septembre 1991.

Arcy-sur-Cure. - De nouvelles peintures et des traces de présence humaine viennent d´être retrouvées dans la grande grotte d'Arcy-sur-Cure. Cette découverte relance l'intérêt pour un site qui n'avait pas été fouillé depuis une trentaine d'années.

Elle se visite de manière organisée depuis le début du siècle et des centaines de visiteurs l´ont fréquentée de façon un peu plus anarchique depuis des centaines d´années... Autant dire que l´on croyait la grande grotte d´Arcy-sur-Cure à jamais perdue pour la science.

C´était sans compter sur un coup de nettoyeur à haute pression, allié à un éclairage particulier. L´an passé la réunion de ces deux facteurs a relancé l´intérêt pour la plus visitée des grottes de la région, en mettant au jour un mammouth dessiné il y a plus de 15 000 ans.

Les fouilles envisagées alors par Gabriel de La Varende, le propriétaire des lieux, ont débuté le 15 septembre dernier. Et déjà quelques découvertes de nouvelles peintures donnent une dimension nouvelle à cette grotte. Jusqu´alors, on n´avait d´yeux que pour ses concrétions calcaires.

Stalactites et stalagmites se partageaient la vedette. Mais, désormais, la grande grotte d´Arcy pourrait bien se retrouver être le plus septentrional des grands sanctuaires paléolithiques jusqu´alors dénombrés essentiellement dans les Pyrénées, le nord de l´Espagne et le Périgord.

Un rhinocéros et un bison

Après avoir sorti de l´ombre les représentations de cinq mammouths et d´un bouquetin l´an passé, les chercheurs viennent d´y découvrir un dessin de rhinocéros, d´un bison et vraisemblablement d´un autre mammouth. Un peu partout sur les murs et les voûtes de la grotte, masqués en partie par des traces de calcaire, des signes « classiques » (tirets et points) sont peints à l´ocre. Ce qui pourrait bien représenter une main a également été mis en évidence.

A l´heure actuelle, les archéologues du CNRS et de l´association CORA restent prudents quant aux interprétations. A l´issue de la fin de ces fouilles (15 octobre), de nombreux mois de travail les attendent avant de pouvoir vérifier leurs hypothèses. Mais les découvertes qui viennent d´être faites portent en elles beaucoup d´espoir.

Deux sondages ont, par exemple, été effectués dans le sol, juste au-dessous de peintures de la voute. But de l´opération : retrouver si l´auteur de ces œuvres n´avait pas laissé sur place des traces de son passage. Car la chance de la grande grotte d´Arcy est d´avoir vu son sol ancien recouvert progressivement d´une pellicule de calcaire de plusieurs centimètres qui l´a protégé pendant des siècles.

15 000 avant Jésus-Christ

Deux petites ouvertures taillées dans ce calcaire, sur une surface d´environ un mètre carré, ont déjà apporté quelques éléments de réponse. Des os de rennes brûlés, des traces d´ocre et des morceaux de charbon pourraient avoir servi à l´éclairage et à la palette d´un peintre des cavernes.

Il n´y a, a priori, aucune raison pour que l´on ne retrouve pas d´autres indices sous les dizaines de mètres carrés de calcaire qui recouvrent la grande grotte.

Mais en attendant une nouvelle campagne de fouilles et de nouveaux sondages, des analyses de ces premières découvertes vont être entreprises. La datation au carbone 14 permettra de les situer dans le temps. Pour le moment, c´est par leur style que l´on date ces peintures entre 15 000 et 16 000 avant Jésus-Christ... à condition bien sûr de posséder l´œil très exercé des spécialistes qui scrutent actuellement les voûtes. Cet exercice qui s´effectue parfois en ayant recours aux ultraviolets laisse à penser que les mammouths et autres rhinos échapperont encore quelque temps au regard des visiteurs ! Il faudra vraisemblablement avoir recours à des expositions photographiques pour redonner la parole à ces « écrits » abîmés par des milliers d´années de ruissellement.

C. P.

Michel Girard et Dominique Baffier (ingénieurs au CNRS) Jean-Claude Liger (archéologue), Daniel Molez (dessinateur scientifique au CNRS) Paul Guignepied (vice-président de l´Association archéologique CORA), Jean-Jacques Pouzet (photographe de cette association) doivent poursuivre leurs recherches jusqu´au 15 octobre prochain. Leurs premières découvertes leur ont déjà valu la visite de représentants du service archéologie de la Direction régionale des affaires culturelles et des médias.

Article mis en ligne le : 17 avril 2008