Revue de Presse

Le puits du cloître va livrer ses secrets

L'Yonne Republicaine, édition du vendredi 09 juillet 1993.

Auxerre. - Les archéologues ont trouvé le puits situé dans le cloître de l´abbaye. Ils pourront enfin l´étudier avec précision. Ils ont aussi mis au jour, sous les arcades du XVIIIè, le cloître gothique.

Il y a trois jours, les archéologues qui travaillent à Saint-Germain ont trouvé et ouvert le puits situé dans le cloître de l´abbaye. On connaissait son existence, mais son étude va désormais permettre d´en savoir plus sur l´histoire des lieux. Ce puits n´est pas daté précisément, sinon, vu l´assemblage des pierres, pleine époque romane entre les XIè et XIIè siècles. Ses particularités sont immédiatement apparues à Christian Sapin, responsable du programme de fouilles et d´études sur Saint-Germain, et son équipe.

Creusé dans le rocher, le puits n´est pas, comme on le constate généralement, au centre du cloître, mais excentré et proche d´anciennes cuisines. Il était inséré dans un petit bâtiment circulaire abritant des lavabos. Les moines s´y lavaient les mains avant de passer à table. L´autre particularité, c´est la dimension de l´ouvrage : plus de 20 m de profondeur, 2,50 m de diamètre au sol et 1,30 m au fond car ce puits est conique.

Tous les puits, notamment gallo-romains, découverts dans la région, sont deux fois plus petits.

Christian Sapin et ses collaborateurs avancent déjà une explication : "La communauté était importante, environ 100 moines, mais c´est aussi une constante à Saint-Germain et à Auxerre : tout, ici, est grand, comme fait pour donner une impression d´importance".

Des spéléos à la rescousse.

Dès la découverte du puits et avant d´entreprendre quoi que ce soit les archéologues ont fait appel au club de spéléologie de Chablis. Les plongeurs ont passé une journée au fond du trou, pour tester la solidité de la structure. Ensuite, avant-hier, on a pompé environ 6 m d´eau (température 14), pour voir si le niveau remonte, ce qui démontrerait que le puits est alimenté par une source. Hier, le niveau était remonté de 2 m, cote non encore significative : source il y a probablement, mais de faible débit.

"Tant qu´on n´aura pas fouillé le fond, expliquent les archéologues, le puits gardera ses secrets. Il faut donc le vider et examiner très précisément ce qui se trouve dans la vase. Peut-être trouverons-nous du matériel romain, on sait qu´il y a quelque part une villa, avec un oratoire où l´évêque Germain fut enterré en 448. Nous avons déjà quelques céramiques, mais aucun autre élément, comme un mur ou de la monnaie".

Reste à trouver une pompe suffisamment puissante pour vider un tel puits, celle utilisée ces jours derniers ne pouvant plus remonter une seule goutte de cette eau si profonde. Les archéologues assurent qu´ils la trouveront, tant ils ont envie de creuser ce problème de puits.

Archéologues cherchent photos.

L´infrastructure d´époque du puits, qui figure sur les documents d´Archives nationales, a laissé place à une margelle de brique, bien connue au XXè siècle, jusque dans les années 1950. C´est pourquoi les archéologues lancent un appel à toute personne susceptible de posséder des photos. Il existe probablement, à Auxerre ou ailleurs, des gens en possession de tels documents. A une époque, certains ont dû se faire photographier à côté du puits. Des photos seraient très précieuses pour le travail des chercheurs. Ces documents ne sauraient être postérieurs à 1969, car cette année-là il y avait eu un effondrement, et, pour des raisons de sécurité, on avait coulé une dalle de béton sur le puits. Sans entreprendre la moindre étude sur l´ouvrage.

Le cloître gothique mis au jour.

Outre le puits, la moisson est abondante pour l´actuelle campagne de fouilles à Saint-Germain. Il y a le cloître romain et, plus à l´intérieur de la cour, les piliers et arcades du XVIIIè, mais on subodorait, quelque part, une partie gothique. Ce cloître gothique existe bel et bien, les fouilles viennent de le mettre au jour. Les archéologues ont découvert des assises de pierre, sous les piliers XVIIIè, mais décalées et de construction gothique.

Une quinzaine d´étudiants (en archéologie, histoire, histoire de l´art ...) québécois, belges et français participent actuellement aux fouilles. Ils ont déjà mis au jour des sarcophages et tout un réseau de "tuyaux" de brique qui rejoint de grandes canalisations formant une croix au milieu du cloître. Il s´agirait d´un système permettant de renvoyer vers le puits le trop-plein des eaux de pluies.

D´autres étudiants travaillent à l´étude des mobiliers découverts. Hier, Christian Sapin a rappelé l´importance de cette progression sur ce site capital pour la connaissance de l´histoire. D´autant plus capital qu´il existe très peu de chantiers sur le Moyen Âge en France.

D.G.

Article mis en ligne le : 17 avril 2008