Revue de Presse

Arcy revendique le droit d´aînesse

L'Yonne Republicaine, édition du mercredi 18 janvier 1995.

Arcy-sur-Cure. - Rapports de fouilles sous le bras, le comte de la Varende vient de repartir à l´assaut des médias. Les grottes d'Arcy-sur-Cure, au sud d'Auxerre pourraient être « la cavité ornée la plus ancienne de France ». Une annonce faite au conditionnel par leur propriétaire. Les scientifiques, qui y travaillent, sont encore plus mesurés.

Arcy plus ancienne grotte ornée de France ? Rapport de fouilles en mains, le comte Gabriel de la Varende, propriétaire des grottes d´Arcy-sur-Cure est reparti, la semaine dernière, à l´assaut des médias, pour faire connaître et reconnaître ses grottes.

« Conservateur de ce patrimoine, je suis la mémoire du site et je veux faire d´Arcy un lieu fort en attirance culturelle, pas un site que l´on vient visiter pour entendre des conneries sur les trucs qui pendent, les stalactites... » De ce fait, depuis qu´il a récupéré les lieux après une longue bataille juridique, Gabriel de La Varende a largement ouvert ses grottes aux visiteurs (près de 100 000 par an) mais aussi aux scientifiques et aux journalistes. Depuis quatre ans, Arcy a accueilli sous ses voûtes du plus sérieux au plus loufoque. On y a découvert des dizaines de représentations peintes, étudié des bactéries capables de restaurer des statues en déposant à leur surface une trace de calcaire, ou encore fouillé un monticule de déjections de chauves-souris, pour chercher à reconstituer la végétation de la région il y a quelques millénaires.

La cavité ornée la plus ancienne de France ?

« Arcy, c´est un véritable bouillon de culture culturel », affirme aujourd´hui, avec fougue, le comte. Après 27 ans de bataille juridique, Gabriel de La Varende qui comptabilise, amusé, 63 procés, s´adjuge avec humour un certain avantage sur ses adversaires : « lls meurent ou ils prennent leur retraite ». A 74 ans, la retraite il n´y pense guère : « Quand on se retourne vers l´arrière et que l´on regarde son passé, on est changé en statue de sel. Ce qui m´intéresse c´est le sel de la vie. » Ainsi, s´il garde en permanence un œil sur les rapports de fouilles, il a l´autre rivé sur les prochaines campagnes...

Le dernier rapport en date, signé de Michel Girard et de Dominique Baffié, ingénieurs au CNRS, confirme ce que l´on savait déjà : un échantillon de particules charbonneuses d´un millimètre de diamètre découvertes dans le sol archéologique de la salle des Vagues (au fond de la grande grotte qui se visite) aurait entre 27 630 et 28 250 ans. D´autres analyses au carbone 14 de deux échantillons d´un fragment d´os brûlé, situé juste en dessous d´un panneau peint, et trouvés à proximité de blocs de colorant sont datés de 26 700 et de 24 660 ans. Ceci avec un certain pourcentage d´erreur. Ces mesures effectuées par Hélène Valadas du centre des faibles radioactivités de Gif-sur-Yvette viennent d´être confirmées par Robert Hedges, d´un laboratoire d´Oxford, qui travaillait lui aussi sur ces prélèvements.

Gabriel de La Varende est ravi : « Arcy pourrait être la cavité ornée la plus ancienne de France les peintures de Lascaux ont 17 000 ans et Cosquer 27 110 ans. » Elle pourrait aussi ne pas l´être et il module aussitôt : « On peut présumer que ces lieux datés correspondent à l´emplacement des artistes qui ont réalisé les peintures juste au-dessus. Mais ce n´est pas forcément la date des peintures. »

De nouvelles mesures

Michel Girard, coordinateur des fouilles et ingénieur au CNRS, est, lui aussi, prudent : « Ces datations obtenues à partir de vestiges retrouvés sur le sol ne permettent pas d´en déduire de façon absolue I´époque des peintures. La grotte a été parcourue par des courants d´eau qui ont pu entraîner des particules de charbon relativement anciennes. Ce peut être le cas pour les particules datées de 28 000 ans. L´écart entre les différentes dates suggère aussi que les vestiges au sol ont été perturbés. Des animaux ont pu apporter en surface des vestiges provenant de dépôts anciens, en particulier lors de l´établissement de leurs bauges... Deux dates pourraient cependant correspondre à la période pendant laquelle l´ensemble rouge rudimentaire aurait été peint. On constate, en effet, des représentations de mains négatives aux doigts incomplets, d´un type identique, à Cosquer. Elles sont datées de 27110 (plus ou moins 390 ans) et ceci par datation directe [1], ou encore à Gargas en Espagne datées de 26 860 (plus ou moins 460 ans), par datation indirecte. Une chose est certaine, l´homme a fréquenté la grande grotte au Gravettien, une période allant de 27 000 à 20 000 ans avant notre ère. »

Pour savoir s´il y a bien peint à cette époque, il faudra procéder à d´autres mesures : « Nous devrons dater directement les peintures. Un programme va être établi pour effectuer des prélèvements », précise Michel Girard. « Si ces peintures ont été faites au charbon ou avec d´autres matières organiques suffisamment nombreuses, ce sera possible avec les moyens techniques que nous avons. Si les traces peintes sont constituées de manganèse ou de minéraux, on ne pourra pas les dater. »

Et Arcy devra se contenter d´hypothèses...

Christian PICARDEAU.

Article mis en ligne le : 17 avril 2008