Revue de Presse

pdf
703 Ko

LES MYSTERES DE LA FOSSE DIONNE

Au Fil de l'Yonne N 23 - Printemps 2005, édition du mardi 01 mars 2005.

C'est l'un des lieux touristiques les plus fréquentés de la région. Deuxième plus longue percée hydrogéologique de France, après la fontaine de Vaucluse, on s'interroge encore sur la provenance de cette eau au débit contenu. Son débit varié, mais perpétuel, a d'ailleurs beaucoup intrigué nos ancêtres qui la qualifiaient de «divine» (« fons divona », d'où Dionne... et non d'Yonne !). Selon la tradition, le bassin serait sans fond.

A l'époque gallo-romaine, la Fosse Dionne alimente en eau les habitants de l'oppidum de Tornodurum, situé sur le plateau qui la surplombe. Une série d'escaliers, dont il reste quelques vestiges, en témoigne. En 1758, la source est aménagée en lavoir, avec sa toiture semi-circulaire et sa double enceinte, et devient le « quartier général » des lavandières tonnerroises. En 1908, des madriers furent posés pour servir d'égouttoir et des cheminées aménagées dans le mur pour « cuire » la lessive. Les garnements du coin collaient l'oreille contre leur conduit pour connaître tous les petits potins des laveuses.

Cette source forme une vasque au fond de laquelle on peut voir le départ d'une galerie haute de 2,5 m qui se poursuit jusqu'à 360 m de l'entrée et 61 m de profondeur. Selon l'avis même des spécialistes et des plongeurs, elle est une des sources de France les plus difficiles à explorer à cause de ses étroitures, des tourbillons d'argile, de la force du courant et de sa profondeur. L'eau provient d'un impluvium de 43 Km2 au sud de la ville, stockée dans les multiples failles du calcaire, ce qui explique son débit continu. Une autre partie de l'eau provient de la perte de la Laigne (près de Châtillon sur Seine) par un parcours souterrain encore inconnu de plus de 40 km. De nombreuses légendes courent sur la Fosse Dionne, participant de son mystère. En voici trois parmi les plus répandues.

Saint-Jean et le Serpent Basilic

Saint-Jean, à 20 ans, est pressé par la grâce de se consacrer entièrement au service de Dieu. Il décide donc de vivre en ermite.

Recherchant un lieu propice à sa retraite, il se rend à Tonnerre. Au pied de cette colline s'étend une zone marécageuse où stagne une eau pure et sans courant.

Jean est averti, par un songe, qu'il y a au fond de ce puits un serpent Basilic, sorte de cobra ayant la particularité légendaire de tuer d'un seul regard. Armé d'une bêche, il fouille le sol au dit endroit, et dégage ainsi la belle et grande source de la Dionne.

En donnant aux eaux de la source un débouché facile vers l'Armançon, il assainit le marais. Et, de ce fait, conjurant le mauvais sort, il fait mourir le Basilic et rend le lieu habitable.

Mais sa retraite n'est plus assez solitaire, il quitte Tonnerre pour aller fonder une communauté religieuse, entre Tonnerre et Montbard, qui deviendra Moutiers-Saint-Jean.

Le Basilic que notre Saint Ermite conjura, serait, selon les historiens modernes, l'infection paludéenne, que nos ancêtres appelaient « Basilic », ce serpent au regard tueur. De fait, cette fièvre foudroyante saisissait à l'improviste et brûlait comme le venin d'un reptile.

Les sous du Diable

Nous sommes le 13 Juillet de l'an 700. Le petit Pierre Evrat, un fils de viticulteur, voit arriver au galop sur un cheval blanc, un cavalier noir au panache rouge sang qui lui demande s'il ne connaît pas une source pour abreuver sa monture. Pierre lui indique la fosse Dionne.

En repartant, le cavalier laisse tomber un sac de pièces d'argent. Pierre s'en empare.

Le lendemain, c'est jour de fête à Tonnerre et Pierre se promet de bien en profiter grâce à sa fortune. Mais, les fleurs qu'il achète fanent aussitôt. Un aveugle à qui il veut donner l'aumône refuse sa pièce dès qu'il l'entend tinter dans sa sébille... Et puis, Pierre offre des friandises à ses camarades qui sont vite atteints d'affreuses coliques. Ensuite, il joue avec d'autres amis à « croix ou pile ». C'est là que l'on s'aperçoit que tous les sous d'argent étaient « pile » sur les deux faces. Pierre prend ses jambes à son cou pour éviter les coups de ses camarades en colère. Le petit Pierre comprend alors combien son geste avait été laid. Il veut même en mourir et se dirige donc vers la fosse Dionne pour s'y noyer.

Près de là, le cavalier noir, caché, l'attend. Un vieillard à barbe blanche, l'évêque Pallade, veille aussi. Pierre lance tous les sous diaboliques dans la source. Au moment où il s'apprête à s'y jeter lui-même, la voix de l'évêque le retient... juste à temps. Mais, au fond de la source, les sous ensorcelés l'accusent toujours. L'évêque recouvre alors les sous de son manteau et la source prend la couleur bleu sombre du manteau. Alors, le cavalier noir s'élance et plonge dans la source avec sa monture... La source bouillonnera longtemps. Quand les eaux se calmèrent, le fond du bassin avait disparu dans les abîmes de l'enfer !

Le manteau de la Vierge

En ce temps là, la Fosse Dionne n'existe pas encore. Seule, une source coule depuis la falaise du mont Bellant pour se perdre dans un bourbier immonde jusqu'à la rivière « l'Armançon ». D'où le nom du « Quartier Bourberault ». Un soir, une jeune fille, marchant dans une ruelle sombre et boueuse, sent une présence derrière elle. Accélérant le pas, elle sait qu'elle va être rattrapée, mais, elle ne perçoit pas le souffle de son poursuivant. Serait-ce le démon de ces lieux à la recherche d'une nouvelle victime ? Une main griffue, celle du diable, car c'était bel et bien lui, agrippe son épaule. La jeune fille supplie la Vierge de venir à son secours. Une immense lueur apparaît alors : la Vierge dans son grand manteau couleur émeraude ! Elle l'étale aux pieds de la jeune fille. Aussitôt, une immense vasque remplie d'eau bleue pure et transparente s'ouvre et la Vierge y entraîne sa protégée, la sauvant du démon. La Fosse Dionne est créée ! La tradition dit que la Vierge a oublié son manteau au fond de la Fosse, car depuis ce jour, l'eau qui s'en écoule sans cesse garde la couleur bleu-vert de son manteau. Il faut se mettre d'accord là-dessus avec l'histoire des sous du diable (voir ci-dessus) pour pouvoir rendre à César ce qui est à César... ou tout du moins l'origine de la couleur de l'eau de la Fosse Dionne !

nc.

Article mis en ligne le : 01 mars 2011