En 1970, Georges Maingonat fonde le Spéléo-Club de Chablis et le Spéléo-Secours de l'Yonne. Tous les spéléologues de l'Yonne se trouvent désormais regroupés dans une seule association, au bénéfice d'une plus grande efficacité dans les domaines de la documentation, de la recherche, de l'équipement, des travaux, et des interventions de reconnaissances et de secours.
C'est principalement le Spéléo-Club de Chablis qui a réalisé l'inventaire des grottes et gouffres de l'Yonne, œuvre considérable, longtemps inachevée. C'est en outre grâce à son action que les spéléologues ont conservé le droit d'accès aux principales cavités ; celles-ci sont désormais placées sous la responsabilité et le contrôle du club.
Il ne reste guère d'endroits sur notre planète qui aient échappé à l'empreinte de l'homme : quelques rares parcelles encore blanches sur nos cartes, le fond des mers et des océans, les profondeurs de la terre... Et nos rêves de découvertes et d'aventures s'étiolent devant des exigences techniques et financières qui requièrent bien souvent la vocation de toute une vie : les chemins suivis par Henry de Monfreid, le commandant Cousteau, ou Haroun Tazieff impliquent de solides formations professionnelles disproportionnées à nos ambitions.
Pourtant il reste une chance, là, tout proche de nous, dans cet immense domaine dont la découverte n'exige que de modestes compétences techniques et physiques, ou l'aventure peut être pleinement vécue sans risques excessifs : le monde souterrain, protégé jusqu'à nous par des siècles d'une défiance populaire plus ou moins superstitieuse.
Il s'agit bien d'un monde, un monde si étranger à tous nos horizons familiers que l'image et le verbe sont impuissants à nous le restituer, tant nous manquons de référence sensitives pour soutenir notre imagination. On évoque difficilement cet anéantissement simultané de toute lumière, de tout bruit, de toute végétation, de tout mouvement, de toute vie... Et ce n'est qu'une approche, car cette désolation n'est en fait qu'apparente : le monde souterrain vit, lui aussi, mais d'un souffle imperceptible, inscrit dans un rythme millénaire.
Un monde à découvrir
Il suffit de quelques mètres pour franchir cette stupéfiante frontière, et c'est là que nous situerons le premier tutoiement de l'aventure, tandis que nos sentiments s'échelonneront, selon nos caractères propres, d'une prudente appréhension à la plus profonde angoisse. Il suffira d'ailleurs du moindre incident de progression - une panne d'éclairage, une erreur d'itinéraire, une étroiture délicate à franchir... - pour aggraver démesurément ces émotions, parfois jusqu'à un affolement lourd de conséquences. Sous cet aspect bien particulier, même les cavités très fréquentées n'échappent pas à la règle.
Mais c'est évidemment la conquête de l'inconnu souterrain qui motive essentiellement la passion du spéléologue. Que ce soit de manière fortuite, ou à l'occasion d'une prospection systématique, ou plus encore après des mois d'une désobstruction laborieuse, c'est toujours une extraordinaire révélation, à la fois enivrante et troublante, que de s'engager là où personne avant vous n'a jamais pénétré. Et quand des années plus tard, incidemment, vous retrouvez vos empreintes - intactes -, vous ne savez plus ce qui l'emporte, de la fierté ou du regret d'avoir violé ce sanctuaire secret. Après l'exaltation des premiers instants de la découverte, tous les sens sont mobilisés vers la perception de ces mille et un détails auditifs, visuels, tactiles et même olfactifs qui permettront au spéléologue de déceler à temps les dangers éventuels, de choisir les meilleurs passages, de repérer toutes les particularités susceptibles d'offrir ultérieurement de nouvelles découvertes ou un refuge en cas de crue subite. Le sixième sens du spéléologue chevronné, ce n'est rien d'autre que cette capacité de discerner et de retenir toutes les informations utilisables pour la sauvegarde de l'équipe et le succès de l'exploration.
Les recherches géologiques, hydrologiqucs, biologiques et archéologiques ne prennent pas la moindre part dans cette aventure souterraine, et les découvertes qu´elles autorisent participent bien souvent à la pérennité des activités spéléologiques en leur donnant un regain d´intérêt particulièrement passionnant.
Enfin, l'attrait esthétique de certaines cavités justifie les incroyables efforts déployés par les chasseurs d'images. La découverte d'une salle richement concrétionnée, que ce soit majestueusement en longues coulées stalagmitiques ou délicatement et fragilement en une multitude de fleurs de calcite, d'aragonite ou de gypse, c'est toujours un spectacle saisissant et un peu magique après une difficile et morne progression dans la glaise, l'eau glacée, les énormes blocs éboulés ou les étroits boyaux tortueux...
On ne saurait chiffrer le nombre de cavités naturelles connues et fréquentées. Combien échappent encore à nos investigations : cent fois, mille fois, cent mille fois plus ? Quel formidable champ de recherches, et quelles magnifiques promesses d'aventures !
Une préparation indispensable
La formation spéléologique s'acquiert d'abord en suivant régulièrement les activités d'un club connu pour son efficience et la qualité de son équipement. Ce n'est que très progressivement, sous la conduite de spéléologues expérimentés, que l'on assimilera les techniques de base indispensables, jusqu'à ce qu'elles deviennent des réflexes. Ce n'est que très lentement que l'on parviendra à une connaissance suffisante du monde souterrain, jusqu'à ce que son « hostilité » légendaire disparaisse totalement. Ce n'est que très graduellement que se façonnera ce sens de l'observation dont dépendent à la fois sa sauvegarde et ses chances de découvertes. Pour affiner ces techniques et ces connaissances, il est possible de participer aux stages de différents niveaux organisés par l'école Française de Spéléologie, émanation de la Fédération Française de Spéléologie : rassemblant des spéléologues de tous les horizons, ces stages sont devenus de véritables sessions de recherches techniques et scientifiques, et les clubs leur sont souvent redevables d'une très nette progression de leurs activités.
L'information constitue le second volet de la sécurité souterraine. On ne saurait s'engager dans une entreprise de grande envergure - comparativement aux moyens dont on dispose -, sans un minimum de documentation sur le massif à explorer : conditions atmosphériques, régime des eaux, particularités de la roche, difficultés techniques, topographies des cavités, principaux dangers... Il faut porter à l'actif de la Fédération Française de Spéléologie tout ce réseau de délégués départementaux de conseillers techniques des secours, et toute cette structure de commissions spécialisées nationales et régionales (Sciences, Secours, Plongées, équipement, Bibliothèque, Fichier, Enseignement,...) auprès desquels on peut obtenir toute documentation utile.
Il manque une dernière note à ces divers aspects de l´aventure souterraine, peut-être la plus belle : Famille. La spéléologie est un sport et une recherche qui se pratiquent en équipes, sans arbitre et sans artifices, sans spectateurs et... sans finances, mais dans l'équipe qui partage les mêmes joies exaltantes comme les moments les plus tragiques, il se crée des liens si puissants qu'ils méritent bien de figurer dans les grandes « découvertes » de l'Aventure.
La commune d'Arcy-sur-Cure possède les grottes préhistoriques les plus importantes et les mieux étudiées du département. Elles s'ouvrent sur les bords de la Cure, et la Grande Grotte est accessible au public. Malheureusement, presque toutes les autres cavités sont interdites, en raison des nécessités de la protection des sites archéologiques. Le massif d'Arcy n'est donc pas encore complètement exploré. Il y a des prolongements à découvrir dans le réseau des Fées. D'importantes plongées en siphon sont à entreprendre dans la grotte des Goutettes, la source du Moulinot, la grotte de Barbe-Bleue.
G. MAINGONAT.