Tonnerre. - Pépita lavait son linge à la Fosse Dionne.
LUNDI prochain, dans le cadre de la Semaine bleue, l'animation « La grande lessive des lavandières » va replonger les Tonnerrois dans leurs souvenirs... Cette reconstitution, qui se veut la plus fidèle possible et lors de laquelle les figurantes vont faire reprendre du service aux battoirs et cuviers d'époque, va rappeler l'effervescence qui régnait à la Fosse Dionne quand celle-ci était encore utilisée comme lavoir.
« C'était du sport ! »
Josèphe Michelot, plus connue à Tonnerre sous le nom de Pépita, est, à 86 ans, l'un des derniers témoins du temps des lavandières. « J'étais lavandière à mon compte puisque j'allais à la Fosse Dionne tous les samedis laver le linge de la famille. Cela a duré jusqu'à la fin des années 50 », relate la pétillante octogénaire, qui habite aujourd'hui rue Campenon.
A l'époque, Pépita vivait avec son mari et sa fille Jacqueline rue Jean Garnier. Entrée très tôt dans la vie active, elle a travaillé dès l'âge de douze ans à l'usine de meubles de l'avenue Briand, puis au centre hospitalier en tant qu'aide-soignante. Pépita devait mener de front sa vie de ménagère sans la précieuse assistance du confort moderne.
« Faire sa lessive au lavoir, c'était du sport ! », reconnaît aujourd'hui Pépita. La jeune mère de famille commençait ses préparatifs à la maison. « Je décrassais chez moi le linge de la semaine au savon de Marseille et le faisais bouillir sur ma cuisinière. Puis, je le mettais dans une brouette, je plaçais au-dessus ma lessiveuse et je descendais jusqu'à la Fosse Dionne pour finir le nettoyage et procéder au rinçage. »
Pépita retrouvait déjà agenouillée sur leur baquet la dizaine de lavandières professionnelles à qui les habitants confiaient le nettoyage de leur linge. « Elles étaient là du matin au soir, été comme hiver. La Fosse Dionne était le domaine des femmes. Elles avaient un vrai plaisir à se retrouver entre elles. Quand tous les emplacements étaient pris autour du lavoir, on se rapprochait pour faire une place à la dernière arrivée. L'animation était extraordinaire. On était au courant de toutes les nouvelles, même des fausses ! De grosses bêtises étaient dites. Il y avait de vraies commères ! »
La tâche était épuisante mais il existait une grande solidarité entre les lavandières. « Elles récupéraient mon l'chu, c'est le jus qui reste dans la lessiveuse après avoir bouilli, puis il fallait s'entraider pour essorer les draps. Ensuite, ceux-ci étaient pendus à des poteaux pour qu'ils s'égouttent ».
Pépita passait trois bonnes heures au lavoir pour rendre son linge impeccable. « L'hiver, pour se réchauffer, on mettait nos mains dans l'eau qui était plus chaude que l'air. L'eau de la Fosse Dionne était très douce, idéale pour laver le linge. Celui-ci ressortait tout blanc. Il était mieux lavé qu'en machine ! », s'exclame Pépita, qui a acheté sa première machine à laver en 1968. « Il n'y avait plus qu'à appuyer sur un bouton. Je bénis mai 68 car à cette époque les salaires ont augmenté et nous avons pu nous équiper ! ».
Mais Pépita ne peut se départir d'une certaine nostalgie en évoquant l'ancien temps. « C'était une époque très dure, mais nous n'étions pas blasés comme le sont les gens aujourd'hui. Tout ce qui nous arrivait était merveilleux. Il y avait une espèce de richesse. »
P. P.