Ligny-le-Châtel. — Depuis la création du Spéléo-Club de Chablis, en 1971, les spéléologues du département se sont attachés à inventorier toutes les grottes et les gouffres de l´Yonne. Durant de longues années, il a fallu faire de longues recherches dans les communes et se renseigner auprès des habitants des villages. Aujourd'hui, on pourrait considérer que toutes les cavités naturelles du département connues par les gens des pays sont répertoriées. Ainsi, les inventaires dont le dernier en date s'intitule « Crots de l´Yonne » (S.-C. Chablis, 1984), montrent le recensement de 350 cavités. Pourtant, il existe encore des grottes, ignorées de tous, les unes peu importantes, les autres plus vastes, certaines sont peut-être des plus longs réseaux souterrains. Toutefois, si l'on suppose leur existence, il reste a en trouver les accès.
Sur la région de Voutenay et de Saint-Moré, sur la rive gauche de la Cure, de grandes vallées sèches sont la preuve indéniable qu'autrefois une rivière coulait en surface, rivière qui aujourd'hui doit circuler dans des galeries souterraines à plusieurs dizaines de mètres de profondeur.
Peut-être est-ce elle qui alimente la source captée à l'ouest de Saint-Moré ?
Un terrier de renard
Dimanche 6 juillet, les spéléologues de Chablis avaient envisagé une prospection sur cette région. Apres une journée de marche à travers les bois à longer des affleurements rocheux, aucune fissure, aussi petite soit-elle, ne fut découverte. C'est alors qu'ils s'apprêtaient à quitter les lieux, qu'un boyau situé au bord de la route qui va de Voutenay à Avigny attira leur attention. Certes, le trou était étroit, à peine de la grosseur d'un terrier de renard, mais les pierres qui y furent jetées semblaient accuser une chute de plusieurs mètres. La désobstruction s'imposait et ne prit guère plus d'une quinzaine de minutes. Les explorateurs se glissèrent dans le boyau et débouchèrent dans une première salle suffisamment spacieuse pour que quatre ou cinq personnes puissent s'y mouvoir aisément.
Une ouverture vers le bas permit d'accéder à une deuxième salle de même importance et dont le sol en très forte pente, comme s'il s'agissait d'un entonnoir, laisse terre et cailloux s'écouler vers un magnifique puits en diaclase d'une profondeur estimée à une dizaine de mètres...
Découverte importante et rare que cette cavité, présentant un puits nécessitant des agrès pour son exploration. Malgré l'heure avancée (il était 18 heures), les spéléos décidèrent de retourner à leur local de Ligny afin de se munir de cordes, échelles et mousquetons d'amarrage. De retour, vers 20 heures, au bord du gouffre, ils équipèrent rapidement du puits : planté d'un « spit », installation d'une plaquette et d'un mousqueton, mise en place d'une échelle souple et d'une corde afin que la descente se fasse dans les meilleures conditions de sécurité.
Quelque dix mètres plus bas, une deuxième échelle fut nécessaire pour atteindre la base du gouffre.
Déception !
Malheureusement, les spéléologues découvrirent avec une certaine déception que le fond était entièrement colmaté par les éboulis qui doivent s'écouler dans l'entonnoir de la salle supérieure depuis des centaines d'années. Déception toute relative, vu l'importance de cette découverte puisque la profondeur totale du gouffre est de 18 mètres (l'équivalent de six étages d'un immeuble) et son développement proche de 40 mètres.
Gouffre de Vosbille
Il s'agit donc du plus beau puits de toute la région, incomparable à la verticale de dix mètres que l'on rencontre dans la grotte du grand souterrain et au gouffre du chasseur situés dans le vau de Bouche à quelques kilomètres de Voutenay, ou encore au gouffre de la Mardelle qui s'ouvre dans les bois près du hameau de Lac-Sauvin sur la commune de Saint-Moré. Pour ce nouveau gouffre, il fallait choisir un nom. Il fut baptisé « Gouffre de Vosbille » du même nom que le bois dans lequel il s´ouvre.
Cette découverte va certainement relancer les recherches dans cette région dans les semaines à venir. Toutefois, elles seront interrompues au cours du mois d'août, puisque, comme chaque année à la même époque, le Spéléo-Club de Chablis prendra ses quartiers d'été en Espagne où il poursuivra l'exploration d'un vaste réseau sur lequel il travaille depuis 1972...
La prospection continue
Dès leur retour, les spéléos reprendront leurs investigations, à la recherche du terrier ou de la fissure qui pourrait cacher une belle découverte comme ce nouveau gouffre ou comme la grotte de la Rippe, à Merry-sur-Yonne (une des plus grandes salles souterraines du département), le gouffre de Champs-Retard, à Coutarnoux (175 m de développement) ou la grotte des Vorgeaux, à Andryes (95 mètres de développement).... Aucun trou ne doit échapper aux recherches.
Des critères
Comment savoir différencier un simple trou ou terrier d'une entrée de grotte ?
Avant tout, la présence d'un courant d'air est un indice indéniable d'un vide souterrain important : la grotte de la Rippe et celle des Vorgeaux furent découvertes de cette façon.
Le jet d'une pierre dans une fissure, par la durée de sa chute, indiquera la présence ou non d'un puits : c'est ce qui motiva la désobstruction des gouffres de Vosbille et de Champ-Retard.
Enfin, c'est en se renseignant auprès des promeneurs, des chasseurs ou des habitants que l'on trouve encore des cavités d'accès plus facile avec parfois des entrées effondrées : il fallut ainsi rouvrir l'accès de la rivière souterraine de Serrigny, en 1975, alors que celle-ci avait été découverte une première fois en 1920.
Autres activités
Outre ces investigations, le Spéléo-Club de Chablis organisera à la rentrée, comme chaque année, des sorties d'initiation et de découverte du monde souterrain pour toutes les personnes intéressées... Il envisage aussi, avec l'aide du comité départemental de spéléologie, de présenter à travers le département, grâce à des montages diapositives ses activités ainsi que les grottes du département.
Pour tous renseignements on peut, dès à présent, s'adresser au Spéléo-Club de Chablis, école maternelle, 23, rue du Carrouge, 89144 Ligny-le-Châtel.
P.-F. C.