ARCY-SUR-CURE. Augustin et Augustine ont retrouvé leur cousin. Il n'a pas encore de prénom mais il s'agit vraisemblablement d'un contemporain du « couple » de néandertaliens découvert dans la grotte de la Hyène en 1963. Cette fois, c'est dans celle du Bison qu'une équipe de scientifiques du CNRS a découvert fin juin un maxillaire supérieur droit parfaitement conservé d'un home de Neandertal.
PRÉHISTOIRE / Un fragment de mâchoire retrouvé dans la grotte du Bison à Arcy-sur-Cure
Neandertal a plus de 40 000 ans et presque toutes ses dents
L'équipe du CNRS, qui explore les grottes d'Arcy depuis dix ans, pense qu'il a été dévoré par des hyènes.
AUGUSTIN et Augustine ont retrouvé leur cousin. Il n'a pas encore de prénom mais il est semble-t-il un contemporain du « couple » de Néandertaliens découvert par l'équipe du professeur André Leroi-Gourhan dans la grotte de l'hyène, en 1963. Les restes de ces derniers (des fragments de mâchoires également) sont aujourd'hui exposés à l'Institut de paléontologie humaine, à Paris, après avoir longtemps séjourné au musée de l'Homme.
Cette fois, c'est dans celle du bison que les scientifiques ont fait cette découverte exceptionnelle, fin juin, au terme de cinq semaines de fouilles. Un maxillaire supérieur droit parfaitement conservé sous la roche éboulée de ce qui fut jadis l'entrée de la grotte.
«Un individu de 35, 40 ans»
«On ne s'y attendait pas», explique Francine David, qui vient explorer le site depuis dix ans pour le compte du laboratoire d'ethnologie préhistorique de Nanterre. «C'est une fouilleuse qui est tombée dessus en décapant des restes osseux. Les dents lui ont paru bizarres. Quand elles ont été bien dégagées, on s'est rendu compte qu'il s'agissait d'une mâchoire humaine. La taille de la canine, qui est beaucoup plus importante que la nôtre, indique qu'il s'agit d'un homme de Neandertal.»
Les chercheurs, qui attendent l'avis des anthropologues pour avoir plus de certitudes, pensent qu'il s'agit «d'un individu de 35, peut-être 40 ans» et que son cadavre a probablement été dévoré par des hyènes. Des petits trous correspondants aux canines des carnivores apparaissent sur l'os. Deux autres dents isolées (une molaire et une incisive) ont également été retrouvées à proximité ; elles appartiennent a priori à deux autres individus, un jeune adulte et un enfant.
De fait, il est difficile de dire s'il s'agit d'une sépulture ou d'un repaire d'hyènes qui auraient amené là des restes pour les grignoter. Les fouilleurs ont retrouvé des restes d'os rongés et des coprolithes (des crottes) contenant des os broyés. «Il y a des morceaux de toutes les tailles, dont des canons de cheval (la partie de la patte située entre le sabot et le genou) complets. Probablement parce que c'est un os où il y a très peu de moelle et de chair autour.» Des foetus d'oursons ont également été dégagés, indiquant que la grotte a aussi pu servir de lieu d'hibernation aux ours.
La mâchoire humaine a, elle, été emmenée à Paris pour être étudiée. Et datée. «Elle a au moins 40 000 ans mais elle est probablement plus vieille», estime Francine David qui souligne que seuls 300 restes de l'homme de Neandertal ont été mis au jour dans le monde. Ce qui renforce le caractère exceptionnel de la découverte.
La grotte du bison a été refermée mais d'autres fouilles devraient avoir lieu l'année prochaine «pour finir d'explorer le niveau où a été trouvée la mâchoire et connaître complètement le niveau en dessous». Les grottes d'Arcysur-Cure n'ont sans doute pas encore livré tous leurs secrets.
Les peintures rupestres
de la Grande grotte
Jusqu'en 1990, on pensait que la grotte d'Arcy ne valait que par ses concrétions calcaires. Jusqu'à ce que l'on découvre les premières peintures rupestres. Depuis, les archéologues du CNRS ont libéré de leur pellicule de calcite plus de 170 dessins, dont de magnifiques mammouths, un mégacéros, des cervidés, des félins, un rhinocéros et même des oiseaux dont la réalisation remonterait à 28 000 ans. Ce qui permet de comparer Arcy à des sites majeurs comme Lascaux ou les grottes Cosquer et Chauvet.
Chaque année, 35 000 à 40 000 visiteurs se pressent ainsi dans la grande grotte pour découvrir ces chefs-d'oeuvre de l'art pariétal. François de la Varende, qui a repris le flambeau de son illustre père, souhaite mettre en valeur ce site en lui offrant un accueil digne de son standing. «Je voudrais en faire un pôle culturel, exposer les objets, ou leur copie, qui ont été trouvés à Arcy et qui sont aujourd'hui disséminés. L'idée est d'en faire un centre d'interprétation et de formation».
Lorgnant avec envie sur les installations du Périgord et de l'Ardèche, le comte espère bien convaincre le conseil général d'investir à Arcy.
Yves DURAND
Des vestiges enfouis qui vont de la préhistoire au Moyen Age
Le site d'Arcy-sur-Cure et Saint-Moré est pour la préhistoire l'ensemble le plus complet qui existe dans le quart nord-est de la France. Ses cavités ont livré en abondance des vestiges de l'activité humaine se rapportant à la plupart des étapes de la préhistoire et des débuts de l'histoire, depuis le Paléolithique ancien jusqu'au Moyen Age. Les fouilles de ces grottes ont été entreprises dès le milieu du XIXe siècle par le Dr Robineau-Desvoidy et le marquis de Vibraye. Dans les premières années du XXe siècle, eurent lieu les remarquables travaux de l'abbé Parat. Enfin, de 1946 à 1963, les fouilles dirigées par le Professeur André Leroi-Gourhan donnèrent à l'ensemble des grottes d'Arcy-sur-Cure une réputation internationale.
Depuis les fouilles de l'abbé Parat, l'habitude s'est établie de dénommer les grottes d'après le nom de l'animal dont on rencontrait en premier un vestige osseux (ou d'après un témoin remarquable comme par exemple la Grotte du trilobite). Seules les grottes connues antérieurement au XIXe siècle portant des noms d'autre nature (Grande grotte et Grotte des fées). La découverte en 1990 de peintures pariétales dans la Grande Grotte a motivé la reprise des recherches archéologiques, le classement du site en Monument historique et l'inscription des grottes d'Arcy-sur-Cure au titre de Site archéologique d'intérêt national.
La Grande grotte. Parcourue depuis le XVIIe siècle, la Grande grotte n'avait livré jusqu'à ces dernières années que quelques vestiges de l'époque gallo-romaine et des éléments d'une faune très ancienne (dents d'hippopotames). Le 29 avril 1990, Pierre Guilloré (de l'Association Cora) reconnaît dans une figuration noire du plafond de la Salle des vagues « le bouquetin de la découverte ». Les figures repérées depuis sur le plafond et les parois sont des peintures au trait noir ou rouge ainsi que des gravures. On peut y reconnaître des animaux (capridés, mammouths, ours, cervidés) ainsi que des signes divers (mains négatives et positives). Actuellement, plus de 170 figures et signes y ont été dénombrés, datant d'environ 28 000 ans.
L'abri du lagopède. Dé-couvert en 1963, c'est le site le plus récent rencontré dans le Paléolithique d'Arcy (1100010000 av. J.-C.). C'est aussi celui qui s'est avéré le moins riche, la partie antérieure avait été emportée par l'érosion.
La Grotte du cheval. Le 15 février 1946, trois spéléologues, MM. Bourreau, Méraville et Papon reconnaissent les premières gravures sur l'argile de décalcification des parois. Empreintes de doigts, raclages, mammouth, cervidé, bison, cheval, ces gravures sont attribuées aux hommes du Paléolithique supérieur.
La Grotte de l'hyène. Cette cavité fit l'objet d'une dizaine de campagnes de fouilles par André Leroi-Gourhan dont la découverte principale a été celle des vestiges humains de plusieurs Néanderthaliens, dont deux baptisés Augustin et Augustine.
La Grotte du trilobite. On connaît plusieurs objets d'art découverts dans cette grotte, le rhinocéros gravé sur une plaque de pierre publié par l'abbé Breuil, un bupreste en jais et le trilobite fossile auquel la caverne doit son nom. Ces deux dernières pièces sont visibles au Musée de l'Avallonnais.
La grotte des ours. Fouillée par l'abbé Parat, elle contenait de nombreux vestiges d'ours.
La Grotte du renne. Découverte en 1939 par Pierre Poulain, ancien conservateur du Musée de l'Avallonnais, elle comprend 12 niveaux qui s'échelonnent sur près de 30 000 ans. C'est là que furent découvertes les cabanes dont les armatures étaient faites de défenses de mammouth.
La galerie Schoepflin. Au cours des fouilles de l'été 1954, Pierre Schoepflin et Renée Fuoc découvrent une galerie basse jonchée de nombreux vestiges osseux. Un éboulement à l'entrée de la galerie avait protégé de manière exceptionnelle ce sol moustérien qui a ainsi été retrouvé tel qu'il était il y a plus de 45 000 ans.
La grotte du bison. Découverte par P. Poulain en 1958, cette grotte située à quelques mètres à l'ouest de la Grotte du renne a été fouillée par Raymond Kapps à partir de 1959 qui y découvrit des restes de mammouth. C'est dans l'ancienne entrée (effondrée) de cette grotte que viennent d'être faites les dernières découvertes.