Les scientifiques travaillent actuellement sur deux animaux dessinés il y a 28 000 ans. Ce seront peut-être les derniers à retrouver la lumière.
Le bourdonnement a repris au fond de la grande grotte. Comme chaque année, en septembre, les «abeilles» mandatées par le CNRS sont revenues butiner les parois d'Arcy. Cette fois-ci, elles explorent la frise rouge située au fond du boyau rocheux. Deux animaux y ont été repérés grâce aux photographies infrarouges. Il s'agit selon toute vraisemblance de mammouths. Eudald Guillemet et son assistante Laura Ballester y passent six heures par jour, arc-boutés sur leur sujet. Le restaurateur andorran est un habitué des lieux. C'est lui qui a dévoilé la majeure partie des quelque 200 dessins répertoriés dans le sanctuaire avec du matériel de chirurgien-dentiste et une patience à toute épreuve.
« Hier, j'ai dégagé cette partie-là », dit-il en désignant un carré de 5 centimètres de côté. Avec sa fraise ultra-précise, il amincit la calcite blanche qui recouvre les parois jusqu'à faire apparaître la peinture. « C'est un travail très compliqué car la calcite n'est pas homogène et il y a une fragilité du support à certains endroits. »
En prenant un léger recul,on peut embrasser le dessin du regard. On y devine le galbe de la panse, les pattes, la ligne du dos. « On n'est pas encore sûrs qu'il soit dans ce sens-là, tempèrent les spécialistes. Il faut attendre de l'avoir entièrement dégagé. » Un second animal, plus petit, attend juste à côté qu'on s'occupe de lui.
Typiques d'Arcy
« L'originalité du grand, c'est que l'intérieur du corps est rempli de points rouges », explique Dominique Baffier, conservatrice de la grotte. Et le style graphique est typique de «l'école d'Arcy», c'est-à-dire avec des défenses dessinées dans le prolongement de la ligne de tête. Une erreur anatomique qu'on ne retrouve
pas dans les autres grottes ornées comme Chauvet ou Lascaux, selon la préhistorienne.
Arcy n'a sans doute pas encore livré tous ses secrets mais ces recherches pourraient être les dernières. « On a quasiment tout découvert et il y a des zones qu'on ne va pas travailler parce que cela réclame trop de travail, de temps et d'investissement pour un résultat trop aléatoire. Nous reviendrons encore mais pour interpréter nos découvertes et les faire publier. » Que les amoureux d'Arcy se rassurent, les abeilles n'ont pas encore quitté la ruche.
Yves DURAND
200 animaux répertoriés
Depuis 1991, les peintures pariétales mises à jour montrent plus de 200 animaux. La moitié représente des mammouths, mais on retrouve aussi un rhinocéros, des têtes de félins, un ours, un mégacéros mais aussi quatre poissons (un brochet et des almonidés) et deux oiseaux. Sans compter les mains d'hommes et d'enfants. Les traces de mouchage des torches permettent d'affirmer que ces peintures ont été réalisées il y a près de 28 000 ans.