Arcy-sur-Cure. - Des prélèvements viennent d´être effectués sur les peintures noires de la grande grotte ornée d'Arcy-sur-Cure. L'analyse de l'eacute;chantillon devrait prendre plusieurs mois avant de livrer ses résultats.
Voilà quelques jours, quatre scientifiques du Centre de faibles radioactivités de Gif-sur-Yvette (CNRS/CEA) ont effectué plusieurs prélèvements de particules charbonneuses sur les peintures pariétales de la grande grotte d´Arcy-sur-Cure. Pas tout à fait une première, mais presque !
Voilà deux ans, la même scientifique, Hélène Valladas, avait étudié des fragments de charbon découverts dans Ie sol archéologique de la salle des Vagues, au fond de la grande grotte. Analysés à l´aide d´un accélérateur de particules - le tandetron - et au moyen de la spectrométrie de masse, les échantillons n´avaient pas tardé à livrer leurs datations : entre 27 630 et 28 250 ans ! Propulsant du même coup la caverne icaunaise loin devant Lascaux (17 000 ans) et Cosquer (27 110 ans).
En janvier 1995, les résultats de l´analyse au carbone 14 d´un os brûlé recueilli à côté des échantillons prélevés par l´équipe du Centre des faibles radioactivités venaient conforter les datations d´Hélène Valladas : tandetron britannique et tandetron français étaient parvenus de fait aux mêmes conclusions.
Prudents, Dominique Baffié et Michel Girard, du CNRS de Paris et de Valbonne, tous deux chargés de la coordination des fouilles d´Arcy-sur-Cure, déclaraient à l´époque : « Ces datations obtenues à partir de vestiges retrouvés sur le sol ne permettent pas d´en déduire de façon absolue l´époque des peintures. La grotte a été parcourue par des courants d´eau qui ont pu entraîner des particules de charbon relativement anciennes. Ce peut être le cas pour celles datées de 28 000 ans. Une seule chose est certaine : I´homme a fréquenté la grande grotte au Gravettien à une période allant de 27 000 à 20 000 ans avant notre ère. Pour savoir si c´est à cette époque qu´il a peint, il faudrait pouvoir dater les peintures ».
10 mg de charbon au moins à prélever
A cette fin, Hélène Valladas était de retour dans la grande grotte d´Arcy. A charge pour elle et son équipe de pratiquer le même type de travail qu´il y a deux ans. Mais cette fois directement sur les gravures pariétales.
Accompagnée de Dominique Baffié, de Michel Girard et du propriétaire du site, Gabriel de la Varende, l´équipe du Centre des faibles radioactivités a inventorié les différentes traces charbonneuses.
« Le film de calcite ne permet pas d´estimer l´épaisseur de la couche charbonneuse. Pour que notre échantillon soit valable il nous faudrait prélever au moins 10 mg », a observé la scientifique. « Notre premier souci est de préserver ces peintures. Il n´est pas question de les abîmer, Etant donné l´évolution des méthodes, qui exige un échantillon de moins en moins important, il est bien entendu préférable de ne rien toucher. Ceci pour conserver toutes nos chances d´analyser un jour les peintures dans de bonnes conditions. »
La paroi ornée minutieusement examinée, décision a été prise de pratiquer à l´aide d´un carottier diamanté un prélèvement sur un mouchage de torche. « Le danger avec le plafond de la grotte, c´est qu´il est fort pollué. Au fil des siècles, la suie des torches l´a noirci. Or, le but est de prélever un échantillon le moins contaminé possible. Je ne sais pas encore si nous allons toucher au mammouth à la queue relevée, mais le mouchage de torche me paraît très intéressant. »
Dans quelque temps - en fonction du planning très chargé du laboratoire - les prélèvements de peinture noire pourraient livrer leurs résultats. Et faire d´Arcy, à défaut d´être la plus spectaculaire (la faute aux nettoyeurs à haute pression qui ont lessivé à jamais la grotte dans les années 70 !), l´une des plus anciennes cavernes ornées de France.
V. S.