Il n'y a jamais eu de souterrains. C'est l'exploitation de pierres qui a généré des galeries, dont beaucoup ont été aménagées en caves.
«Il n'y a jamais eu de souterrains refuges construits dans la ville», assure Fabrice Henrion, archéologue au Centre d'études médiévale d'Auxerre (CEM), où il est responsable des fouilles. Le scientifique tord ainsi le cou à une vieille croyance locale.
«On cherchait la pierre en dessous pour maçonner au-dessus»
En revanche, «c'est vrai qu'il y a tout un réseau de galeries souterraines que nous avons découvert dans l'hyper centre-ville. Mais il correspond aux anciennes carrières d'extraction de pierres calcaires exploitées essentiellement au Moyen Âge et peut-être dans l'Antiquité, comme nous le laissent penser les fouilles effectuées place Saint-Pierre». Des carrières ont été aménagées «jusqu'au XVIIIe et au début du XIXe siècle» . D'autant, précise Stéphane Büttner, géologue au CEM, qu'il s'agissait «d'un calcaire très dur qui était facile à extraire en petits blocs».
Jean-Paul Roussseau, fin connaisseur de l'histoire locale et adjoint au maire chargé des travaux, confirme : «La légende des souterrains est infondée. Dans la vieille ville, nos ancêtres ne se cassaient pas la tête. Ils cherchaient la pierre en dessous pour maçonner au-dessus.»
Au fil du temps et de l'amenuisement des besoins de construction, «les carrières ont été soit abandonnées complètement, ou transformées en caves et parfois en latrines», relate Fabrice Henrion.
C'est pour cela qu'il y a des caves parfois jusqu'à trois niveaux, sous de nombreuses vieilles maisons d'Auxerre. «Donc il y a des caves qui se rejoignent d'un quartier à l'autre, car elles correspondent à d'anciennes galeries d'exploitation de pierre. C'est ce qui a alimenté le mythe des souterrains.» Ainsi, Marie-Hélène Marguiller, habitante de la tour Saint-Pancrace, dans le quartier Lebeuf, assure «qu'auparavant, on pouvait rejoindre la cathédrale depuis la cave». Le docteur Philippe Richet et son épouse, Joëlle, demeurent rue d'Égleny, dans une belle maison «construite dans les années 1660», explique madame. La cave voûtée y est immense, presque identique à celle de l'hôtel particulier Ribière, détenu par la ville. «On pense qu'elle a été aménagée après l'exploitation des carrières, mais on ne sait pas à quelle date», commente Joëlle Richet. Le sous-sol d'Auxerre est donc un véritable gruyère, ce qui a des conséquences parfois fâcheuses. «On ne fait jamais de travaux dans les rues du centre-ville sans trouver des trous ou subir des effondrements, comme cela est arrivé place Saint-Mamert, où il a fallu remblayer», note Jean-Paul Rousseau. «Car on se trouve souvent sur d'anciennes carrières ou des caves abandonnées.»
Pas de cartographie
Pour sa part, Fabrice Henrion regrette qu'il n'existe pas de cartographie de ces réseaux souterrains, dont on ne connaît donc ni le volume, ni la longueur. «Ce serait pourtant indispensable, pour la sécurité et les connaissances archéologiques.»
Ce que Jean-Paul Rousseau ne conteste pas. «Mais dès leurs origines, les cadastres, conçus pour payer l'impôt, ont concerné les bâtiments et terrains, mais pas ce qui est en dessous», explique l'élu. «Et ce serait très compliqué pour la ville de faire réaliser de telles études topographiques. Notamment pour les caves qui relèvent essentiellement du privé.» Donc «notre priorité est d'assurer la survie du patrimoine visible, ce qui n'est déjà pas facile financièrement», souligne l'adjoint au maire.
Yves Allain