Les circonstances de la mort du célèbre troglodyte de Saint-Moré, en 1913 n'ont jamais été établies. L'opinion publique a toujours cru au crime crapuleux.
Entre 1886 et 1913, impossible de ne pas connaître l'existence du père Leleu. Cet original vivant dans une grotte à Saint-Moré était une légende locale dont la mort tragique a défrayé la chronique.
Né au sein d'une famille bourgeoise, à Paris, en 1838, François-Pierre Leleu a connu un parcours atypique. Sa vie fut portée par ses aspirations marginales et anarchiques. Quand éclate la Commune en 1871, il se range aux côtés des insurgés et finit au fort de Kellern, près de Brest.
Épris de liberté
L'homme débarque à Saint-Moré, un peu par hasard, en 1886. Il est embauché par un industriel en tant que terrassier, mais perd rapidement son emploi. Sans logement et toujours épris de liberté, il s'installe dans l'une des grottes qui dominent la vallée de la cure. « Le père Leleu » comme l'appellent familièrement les villageois, comprend vite qu'il peut tirer profit de son image et de l'originalité de son cadre de vie.
Pendant une vingtaine d'années, le fringuant troglodyte devient une curiosité locale. L'homme fait visiter sa grotte moyennant finances. Il vend des os trouvés lors de ses fouilles et des cartes postales sur lesquelles il est mis en scène dans son environnement.
Sommes disparues
La belle histoire vire au drame le 26 janvier 1913, jour de la découverte du corps sans vie du père Leleu. Des lésions marquent un genou et le haut du crâne. Des côtes sont cassées. L'opinion publique privilégie rapidement un crime crapuleux. Des témoins disent avoir vu traîner dans le village un vagabond et des bohémiens. L'un d'eux aurait détroussé le père Leleu de sommes importantes qu'il conservait dans sa grotte. Sommes disparues après sa mort.
Le scénario ne convainc pas les autorités. Celles-ci accréditent la thèse de l'accident. Voulant satisfaire un besoin naturel en pleine nuit, le père Leleu serait tombé dans le vide. Il aurait eu ensuite la force de remonter, avant de succomber à ses blessures. « L'hypothèse est incohérente » pour le journaliste de La Revue de l'Yonne envoyé sur les lieux, le matin même du drame. Une conviction qu'il réaffirme dans ses écrits, à la faveur de témoignages et d'indices intrigants recueillis sur place : une fourche à côté du corps, dont le père Leleu aurait pu se servir pour se défendre ; de la terre remuée et des traces de pas indiquant la présence de plusieurs personnes. Accident ou assassinat ? Cette mort restera à jamais un mystère.
H.V.
BIO EXPRESS
1838
Naissance à Paris, dans une famille bourgeoise.
1871
Quand éclate la Commune, il se range aux côtés des insurgés. Il échappe aux terribles fusillades des Versaillais. Fait prisonnier au plateau de Châtillon, il est envoyé au fort de Kellern, près de Brest.
1886
Le père Leleu débarque à Saint-Moré. Il a alors 48 ans.
1913
Le 26 janvier, son corps est découvert sans vie. Il présente des blessures au genou, sur le crâne, avec des côtes cassées.