DEFINITION par la Fédération Française de spéléologie « La spéléologie est une activité pluridisciplinaire à forte plus-value éducative. Elle allie à la fois des aspects scientifiques, environnementaux, sportifs et de loisirs. Elle a pour objectif l'exploration du karst et des milieux souterrains, naturels, artificiels ou anthropiques [ ... ] ».
LES JOURNÉES NATIONALES DE LA SPÉLÉOLOGIE LES 6 ET 7 OCTOBRE Initiation. Dans l'Yonne à St-Moré
Le comité de l'Yonne de spéléologie fera découvrir son activité au public les samedi 6 et dimanche 7 octobre, aux grottes de Saint-Moré (entre Auxerre et Avallon). Au programme : l'exposition « Histoire souterraine de l'Yonne » (à la salle communale), une conférence le samedi à 20h30 sur le même thème, une randonnée karstique, la visite de cavités horizontales et de petits ateliers de découverte sur cordes. Ces activités sont ouvertes à tous, mais les ateliers sont déjà plus sportifs. Renseignements par mail auprès du comité de l'Yonne à l'adresse suivante : jnsc89@gmail.com
SPELEOLOGIE
Découverte de la rivière souterraine du Puits Bouillant, à Saint-Aubin-Château-Neuf
L'émerveillement 28 mètres sous terre
On le nomme le « Puits Bouillant » en raison du bruit que le courant produit parfois. Plongée dans l'une des plus belles cavités de l'Yonne.
Ils appellent affectueusement cela un « promène-couillons ». Ces spéléologues ne comptent plus le nombre de fois où ils se sont engouffrés dans le puits artificiel situé dans le terrain du gîte de SaintAubin-Château-Neuf. Bruno, Éric et Pascal, spéléologues avertis, avalent généralement l'exploration du Puits Bouillant en moins de deux heures. Il en faut trois, voire quatre aux non-initiés pour découvrir la cavité longue comme six terrains de football.
Dans le puits, une échelle fixe a été installée en 1965 pour permettre aux explorateurs de descendre. En dérangeant au passage les insectes qui nichent dans l'ombre.
En cette période, c'est un doux clapotis qui accueille les visiteurs 28 mètres plus bas. Au-dessus du filet d'eau de la rivière souterraine, d'une clarté parfaite, le plafond bas porte des marques noires, témoignages du passage de spéléologues équipés de lampes à acétylène caractérisées par leur petite flamme.
Il faut souvent marcher plié en deux, se frayer un passage entre les roches en prenant soin de mettre des gants pour ne pas se couper, escalader des blocs aussi. Une progression parfois difficile tant l'humidité et la glaise rendent les appuis glissants. Mais la première partie de la rivière souterraine est relativement accessible. « Vous aurez des courbatures et des bleus un peu partout, demain ! », prévient Bruno, vice-président du comité de l'Yonne de spéléologie.
A la lumière des lampes frontales fixées sur les casques, la galerie, sculptée par le temps et la nature, se dévoile. Les plafonds atteignent parfois les 20 m de haut, mais pas de stalactites ni de stalagmites. « La roche ne s'y prête pas », indiquent les spéléologues. Cédric, 12 ans, est déjà descendu « six ou sept fois » avec son père. Il est en admiration devant les ronds parfaits creusés dans le sol par la rotation des petits cailloux. « Un jour, ce seront peut-être des "marmites" », imagine-t-il.
Ici, pas un brin de lumière naturelle. L'air est frais, comme l'eau qui lèche les bottes. Et qui les noiera bientôt, car, à certains endroits, la rivière monte jusqu'en haut des cuisses. Mais c'est dans les « marmites » qu'elle est la plus profonde: annoncés par un bruit de cascade, ces trous d'eau ne peuvent être franchis qu'en trouvant des prises naturelles sur les parois. « Il y en a toujours un qui chute sur un groupe de dix », prévient malicieusement Bruno.
Le charme des cascade, l'énergie des marmites
Parfois, la craie donne à la cavité un blanc éclatant qui contraste avec l'état des cotes, tâchées de glaise. Les découvertes se prolongent jusqu'au siphon, un trou d'eau qui reste difficile à explorer même pour les plongeurs. C'est le bout du chemin « accessible ». Assis, les spéléologues évoquent leurs sorties de 25 heures, leurs voyages dans toute la France, leurs bivouacs sous terre. « On y dort et on y mange presque comme dehors, avec des réchauds », expliquent-ils.
« Dehors », justement, il est déjà l'heure de manger. Après l'ascension plutôt éprouvante de l'échelle, la lumière du jour remplace le bruit des marmites et des cascatelles.
Trente mètres sous le bitume de la route des Placeaux, la rivière souterraine poursuit sa route, insoupçonnable.
Coups de cœur: trois cavités de l'Yonne qui méritent le détour
Si le Puits Bouillant de Saint-Aubin-Chateau-Neuf - situé dans une propriété privée - fait l'objet d'une convention, la plupart des cavités de l'Yonne sont en « libre accès » pour les spécialistes.
Les grottes d'Arcy-sur-Cure sont une autre exception : elles appartiennent à un propriétaire privé qui les exploite.
Il faut toutefois être initié ou encadré par des spéléologues pour visiter les cavités de l'Yonne. Le top 3 du président du comité départemental Jérôme Genairon se compose du Puits Bouillant (sur la commune de Saint-Aubin-Château-Neuf), du
Gouffre de Villepot (à Courson-les-Carrières) et des grottes de Saint-Moré.
Le puits bouillant est la plus longue cavité de l'Yonne. C'est une rivière souterraine très fréquentée par les spéléos parce qu'elle est plutôt belle et on peut y emmener beaucoup de monde, elle est accessible », souligne le responsable.
Le gouffre de Villepot est beaucoup plus sportif. « Ce n'est que de la verticale, vous êtes tout le temps sur la corde. C'est le plus profond de l'Yonne; avec la roche taillée, l'eau, c'est assez esthétique », indique Jérôme Genairon.
Les grottes de Saint-Moré (près d'Arcy-sur-Cure) accueilleront les Journées de la spéléologie, les 6 et 7 octobre. « Elles sont nombreuses, en pied de falaise. Vous avez une belle vue et une multitude de petites grottes », détaille le président du comité.
Dans les cavités qu'ils visitent, les spéléologues appliquent une sorte de charte tacite qui vise au respect des lieux qu'ils parcourent, avec des règles simples, comme celle de n'y abandonner aucun déchet.
SPÉCIALISTES - Moniteur qualifié, Jérôme Genairon est à la tête du comité de l'Yonne de spéléologie
« Le spéléologue explore, prospecte... »
Les spéléologues partent parfois à la recherche de nouvelles cavités. Ils n'hésitent pas à bouger, souvent loin, pour satisfaire leur curiosité.
Leurs édens à eux se situent plus dans le Doubs, le Jura, le Vercors, les Pyrénées. Les spéléologues de l'Yonne savent apprécier les cavités du département, mais ils n'ont pas peur de voyager pour en découvrir de nouvelles. « L'Yonne n'est pas très karstique, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de massifs très calcaires, c'est limité, souligne Jérôme Genairon, le président du comité de l'Yonne. Le département n'étant pas si riche, le spéléo actif va avoir tendance à vouloir aller hors département, dans des zones plus au sud avec plus de qualité, pour trouver des cavités plus sportives, d'autre envergure ».
Sous terre, les accidents sont « très rares »
L'Yonne reste leur terrain de jeu privilégié. « Le spéléologue lambda va faire de l'exploration, chercher de nouvelles cavités, prendre des cartes, réfléchir, prospecter, voire, parfois, faire des désobstructions à l'entrée des trous », poursuit le président.
La pratique de la spéléologie reste confidentielle, dans le département. Les initiés sont pourtant prêts à faire découvrir leur discipline au plus grand nombre. Et à tordre le cou à quelques idées reçues, notamment sur sa dangerosité. « Le dernier accident dans l'Yonne remonte aux années soixante-dix, se souvient Jérôme Genairon. Ils sont très rares. Ce n'était pas vraiment des spéléos, mais plutôt des personnes qui se sont improvisées spéléos pour aller dans une cavité qui dépassait leurs capacités. Au niveau national, un tiers des secours portés le sont à des personnes qui ne sont pas spéléos ».
Une activité qu'on peut pratiquer dès l'âge de 12 ans
L'un des principaux risques de la spéléologie est la montée des eaux. « Mais dans l'Yonne, on peut aller sous terre même quand il pleut en surface, la montée des eaux n'est pas immédiate », rassure le président. L'activité nécessite simplement une bonne condition physique. Elle peut même être pratiquée par les enfants, de préférence dès l'âge de 12 ans. « La plus jeune qu'on ait emmenée dans une cavité était une petite fille de 4 ans, mais, bien sûr, on s'occupait d'elle à temps plein », indique le moniteur.
L'activité est toutefois exclue pour tous ceux qui souffrent de pathologies de type claustrophobie. « Mais le problème ne se pose même pas, parce qu'ils restent dehors... » sourient les spécialistes.
Sabrina Huard
EN CHIFFRES
2 Le comité de l'Yonne compte deux clubs, situés à Chablis et à Tonnerre.
40 Le comité de l'Yonne de spéléologie compte une quarantaine d'adhérents. « Ce n'est pas beaucoup, mais ça s'explique par le fait que l'Yonne n'est pas très karstique », explique le président du comité départemental.
467 Le nombre de clubs ou d'associations français fédérés par la Fédération française de spéléologie (FFS). À ces structures s'ajoutent des individuels.
700 Seule une partie du Puits Bouillant, à savoir les 700 mètres de rivière, reste à la portée de tous. Son « réseau fossile », par exemple, est réservé aux initiés.
1850 L'année où le futur Puits Bouillant a été ouvert, dans le but de trouver de l'eau.
1945 L'année de naissance du Groupe archéologique et spéléologique Parat, la première association icaunaise ayant pour but l'étude des grottes. Il porte le nom de l'abbé Alexandre Parat, le premier spécialiste des grottes de l'Yonne.
2.115 En mètres, le développement total de la rivière souterraine du Puits Bouillant. Cela en fait l'une des plus longues rivières souterraines de France dans la craie.
7.482 Le nombre de licenciés de la FFS en 2011. Celle-ci a vu le jour 1963 : elle réunissait Comité national de spéléologie, et la Société spéléologique de France.