Revue de Presse

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La face cachée du Pays Avallonnais

Territoire - Magazine d'information du pays avallonais - n°24, édition du vendredi 18 février 2011.

Tout comme la légende du Père Leleu à Saint-Moré, les histoires de grottes et l'aspect souterrain de l'Avallonnais continuent de fasciner les autochtones et les touristes. Au début de l'Histoire, il y a les cavernes creusées par les cours d'eau, les dessins des grottes d'Arcy-sur-Cure qui font soudain passer la préhistoire au second plan derrière les souvenirs d'enfance et les voyages scolaires.

Si les époques sont liées et se confondent, il en est de même pour les villages qui longent les rivières. Au bord de la Cure, les vestiges archéologiques et les cavités font le bonheur des historiens et des passionnés de spéléologie. C'est à l'Abbé Alexandre Parat que nous devons aujourd'hui les résultats de plus d'une centaine de cavités qu'il a explorées1. Entré en 1889 à la Société d'études des sciences historiques de l'Yonne, il n'aura de cesse de visiter et de découvrir les grottes de la région. Ses résultats, parfaitement consignés et publiés dans les plus grandes revues scientifiques, restent une base de travail essentielle pour les nouveaux explorateurs et les passionnés de spéléologie.

A nos yeux plus profanes, l'aspect préhistorique de l'Avallonnais et de l'Auxerrois se résume en un seul nom : les Grottes d'Arcy. La première description officielle des lieux fut établie en 1666 sur ordre de Colbert. Mais il faudra attendre plusieurs siècles avant que, de simples descriptions, on passe à des découvertes essentielles : les peintures. Après la Seconde Guerre mondiale, l'ethnologue et archéologue André Leroi-Gourhan entame la première longue entreprise de fouille des grottes, suite à la découverte de la Grotte du Cheval. Après lui, les recherches n'arrêteront pas. Et le 29 avril 1990, le préhistorien Pierre Guilloré fait une découverte essentielle, celle de la première peinture de la Grande Grotte, le fameux bouquetin, qui en entraînera beaucoup d'autres dans son sillage.

Cependant, l'image préférée des touristes sur les cartes postales en vente à Saint-Moré n'est pas celle d'un homme préhistorique, mais celle du Père Leleu – Pierre François de son vrai nom – le vieil ermite troglodyte. Avait-il choisi cette vie pour s'éloigner du bruissement continuel du monde ? Dans ce cas il a quelque peu raté son affaire puisqu'il est devenu à lui seul une curiosité, se laissant faire de bonne grâce en offrant des boissons à ceux qui venaient voir en chair, en os et en barbe, ce vieil homme à la vie si étrange. Pourtant, à l'époque, les habitants n'avaient guère de tendresse pour ce personnage original dont on ne savait rien. Insurgé lors de la Commune, il fut emprisonné en Bretagne. S'en est suivie une vie de vagabond, coupé, semble-t-il, de tout lien avec sa famille. Il débarque finalement à Arcy-sur-Cure en 1886, son dernier port d'attache. Il y travaille comme terrassier et aide les divers explorateurs souterrains, à commencer par l'Abbé Parat, qui l'emploie de temps à autre pour quelques menus travaux. Une suite d'événements l'amènera à faire de la Grotte de Guyard sa maison. Il vécut 27 ans dans ce repaire de fortune qu'il rejoignait à l'aide d'une corde à noeuds. Alors, gentil fou ou homme désabusé, son histoire continue de fasciner, d'autant plus que les conditions de sa mort n'ont jamais vraiment été élucidées.

A Massangis, la pierre est un véritable patrimoine exploité depuis plus de 900 ans par les célèbres pierreux. Elle a ainsi servi à la construction des bordures de trottoirs, de maisons, jusqu'à celle d'édifices religieux. Mieux encore, les pieds de la Tour Eiffel reposent sur des pierres de Massangis, tout comme d'autres édifices touristiques et culturels parisiens, mais également de part le monde, de New York à Tokyo. Le travail de forçat qu'a nécessité, et que nécessite encore son extraction – même si les moyens techniques ont allégé la dureté du métier – est aujourd'hui synonyme d'une architecture raffinée et recherchée.

Autre aspect souterrain, mis à jour par l'homme au fil du temps : les Fontaines Salées, classées Monument historique depuis janvier 1936. Situées en rive gauche de la Cure à Saint-Père, elles paraissent toujours un peu mystérieuses à ceux qui les découvrent pour la première fois, mais le mystère a depuis longtemps été élucidé par les archéologues et autres historiens. Les sources d'eau légèrement salée provenant du sous-sol ont été utilisées dès la période néolithique, vers 2300 avant J.-C., grâce à une technique d'évaporation. Le site a continué à être habité les siècles suivants, avec notamment l'installation d'un établissement thermal par les Romains qui occupent le site entre le Ier et le IVe siècle de notre ère, après que les Celtes en eurent fait un espace religieux propre aux processions rituelles.

Le site aurait pourtant pu être oublié pour toujours si, en 1934, l'histoire d'une chanson de geste2 qui amena René Louis, un historien, à arpenter les alentours de Vézelay pour son étude, n'avait pas permis de redécouvrir l'ouvrage et d'en comprendre sa valeur historique. En effet, au VIIIe siècle, le site avait été enfoui après qu'une frange de la population eut délibérément omis de payer la gabelle, l'impôt sur le sel, provoquant la fureur du roi (les mauvais payeurs risquaient la prison, voire la peine de mort en cas de récidive). En 1934, René Louis pensait ainsi mettre à jour un champ de bataille, mais les fouilles entreprises juste après sa découverte providentielle vinrent contredire cette hypothèse. Aujourd'hui, 14 puits, sur les 19 découverts initialement, sont toujours actifs. Une nouvelle signalétique, mise au point par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC), permet désormais de mieux appréhender les lieux.

Aurélie Poupée

On trouve 29 cavités souterraines à Arcy-sur-Cure, 32 à Saint-Moré, une vingtaine dans le Vau de Bouche (Voutenay, Girolles, Précy-le-Sec, etc.), de nombreuses également dans la vallée du Serein, par exemple 16 sur la commune de Massangis.

Le Pays Avallonnais version souterraine c'est aussi une activité à la fois sportive et culturelle. La spéléologie se pratique depuis longtemps sur le secteur et plusieurs associations permettent de s'y investir. Mais, comme on le voit régulièrement au travers de l'actualité, c'est un sport qui nécessite beaucoup de précaution et qui ne s'improvise pas. Le Spéléo-Club de Chablis (www.scchablis.com), ou encore Loisirs en Morvan (www.loisirsenmorvan.com)proposent chacun une activité de spéléologie, parfaitement encadrée.

Autre grotte, celle de Champ Retard est devenue aujourd'hui un des principaux lieux de divertissement de l'Avallonnais (sport, concerts, spectacles) surtout en été.

Merci à Bruno Bouchard du Spéléo-Club de Chablis

et à Jean-Claude Liger de l'Association Cora.

Article mis en ligne le : 18 février 2011