Patrimoine • LABELLISÉE « VILLE D'ART ET D'HISTOIRE », AUXERRE SÉDUIT LES VISITEURS PAR SON PATRIMOINE HISTORIQUE PRESTIGIEUX. MAIS LA VILLE INTRIGUE AUSSI PAR LES RUMEURS QUI CIRCULENT DEPUIS DE NOMBREUSES ANNÉES AUTOUR DE SON SOUS-SOL. INFO OU INTOX ?
VRAI GRUYÈRE, FAUX SOUTERRAINS
CERTAINES CROYANCES ONT LA VIE DURE: C'EST LE CAS DE CELLE QUI VOUDRAIT QU'UN DÉDALE DE SOUTERRAINS AIT EXISTÉ SOUS LA VILLE, PERMETTANT DE PASSER D'UN QUARTIER À L'AUTRE, VOIRE DE FUIR EN CAS D'INVASION. EXPLICATIONS.
« Lorsqu'il y a quelques années, un effondrement s'est produit place Saint-Mamert, beaucoup de gens étaient persuadés que c'était à cause des souterrains », confirme Juliette Didierjean, directrice des services culturels d'Auxerre et ancienne responsable du patrimoine.
INFO : le sous-sol d'Auxerre est bien constellé de trous, caves et galeries en tous genres. « Il s'agit d'anciennes carrières, qui ont servi à l'extraction de pierres de construction et témoignent du génie des Auxerrois pour exploiter la pierre en souterrain. Une grande partie datent du Moyen Age, mais on se demande maintenant s'il n'y en a pas de plus anciennes », affirme Fabrice Henrion, archéologue au Centre d'études médiévales (CEM), une association en lien avec le CNRS implantée à Auxerre. Des carrières qui ont par la suite été réutilisées en caves, en latrines ou bien abandonnées. Le sous-sol d'Auxerre regorge aussi de « vinées » : ces caves, qui servaient à stocker du vin, communiquaient bien souvent entre elles, ce qui a alimenté la rumeur des « souterrains ».
INFO ENCORE : la légende des souterrains d'Auxerre trouve sans doute sa source dans la présence de fortifications. Si l'on trouve des traces d'une présence humaine dès le Ier siècle, notamment autour du quartier Vaulabelle, un « castrum » est en effet édifié vers le IIIe/IVe siècle à l'emplacement de l'actuel coeur historique. D'une superficie d'environ 6 hectares, il est entouré d'un rempart de protection. Cet espace protégé concentre tous les éléments du pouvoir, civils et religieux. Certains tronçons du rempart sont toujours visibles ainsi que des tours, comme la tour Saint-Pancrace.
INTOX : pour autant, Fabrice Henrion est catégorique: « Il n'y a pas de mystère souterrain à Auxerre! »", affirme l'archéologue. « D'ailleurs, on connaît très peu de sites fortifiés avec des souterrains qui couvrent des kilomètres. Cela fait partie des légendes, influencées par la littérature et les films de capes et d'épées. » Par endroit, des galeries ont certainement été construites dans le cadre de l'activité d'extraction de la pierre, mais pas de « réseau » à proprement parler et il serait aujourd'hui extrêmement dangereux de s'y aventurer.
Un train fantôme !
Les souterrains ne sont pas la seule légende qui ponctue l'histoire d'Auxerre. Juliette Didierjean la rapproche volontiers de celle du « train qui n'est jamais arrivé à Auxerre » : « Il reste ancré dans l'esprit des gens que lors de la construction de la ligne directe Paris-Lyon au XIXe siècle, la ville d'Auxerre, réputée bourgeoise, n'a pas voulu accueillir le train qui aurait entraîné une présence ouvrière importante. Nous avons aujourd'hui des documents d'archives qui prouvent le contraire, mais rien n'y fait... »
DES « TRÉSORS » ENFOUIS
SI LA LÉGENDE DES SOUTERRAINS EST INFONDÉE, LES SOUS-SOLS D'AUXERRE RÉVÈLENT D'AUTRES CURIOSITÉS, MAIS PAS FORCÉMENT LÀ OÙ CERTAINS LE CROIENT...
INTOX : une source miraculeuse à l'abbaye Saint-Germain. Depuis l'ouverture du Musée archéologique, les touristes ont pris l'habitude de jeter des pièces de monnaie dans un immense trou, visible depuis la grande nef. Chaque année, plusieurs kilos de pièces sont ramassés dans ce qui semble être pris pour une sorte de « puits miraculeux »! La réalité est toute autre: « Au moment des guerres de religions, les protestants ont creusé un trou dans l'église et se sont servis des cloches pour y fondre un canon », raconte Juliette Didierjean. C'est ce trou qui reste visible encore aujourd'hui.
INFO : Dans le noir, les pieds dans l'eau, c'est en revanche un lieu atypique et bien réel que l'on découvre sur le site dit du Réservoir de la Turbine. À 4 mètres sous terre, se cache une « cathédrale » aux voûtes de pierre. Le réservoir, construit en 1882, a servi à l'alimentation en eau potable et représente désormais un patrimoine industriel protégé, inscrit sur la liste des Monuments historiques. Il est malheureusement impossible de le visiter. « Nous avons étudié il y a trois ou quatre ans la possibilité d'organiser des visites, mais le lieu est très difficile d'accès », indique Juliette Didierjean.
INFO ENCORE : un autre «trésor» caché est lui visible une fois par an. Il s'agit de la crypte de l'église Saint-Amâtre. Édifiée au XIIe siècle, l'église a été détruite à la Révolution, mais la crypte a été conservée et se trouve aujourd'hui sous une maison privée, rue d'Eckmühl. L'actuel propriétaire ouvre ses portes chaque année lors des Journées du patrimoine: l'occasion de découvrir cet élément très ancien du patrimoine religieux auxerrois.
INFO ET INTOX : le sous-sol d'Auxerre regorge aussi de traces d'anciennes constructions. Au XIIe siècle, la place des Cordeliers abritait ainsi un couvent, ce qui, selon certains, expliquerait qu'aucun travaux d'envergure ne soit entrepris car cela nécessiterait d'importantes fouilles archéologiques. Une explication un peu simpliste pour Fabrice Henrion. S'il confirme qu'un couvent existait à cet endroit où passait aussi le rempart du «castrum», il souligne que plusieurs marchés couverts ont par la suite occupé la place, conduisant probablement à la destruction d'une grande partie des vestiges. « Pour vérifier une fois pour toutes l'état de ce qui est préservé, il suffirait de mener un diagnostic archéologique par sondages ponctuels et une prospection géophysique sur l'ensemble de la place », précise-t-il.
Au fil de l'Yonne
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