L'héritier de Gabriel de la Varende se débat pour mettre de l'ordre dans les affaires de son père, disparu en 2007, régler les dettes et assurer l'avenir de la grotte préhistorique d'Arcy.
« Salut François,comment ça va ? » Au Chalet de la Cure, bistrot de routier accroché à la falaise de Saint-Moré, le comte de la Varende n'a ni particule, ni titre, ni château. Juste le profil d'un habitué. Simple et chaleureux.
Il le dit avec un humour pince-sans-rire, un peu british. « Ce titre, je vis avec et je m'en fous complètement. Un comte sans argent, ça ne vaut rien. » Lui gère plutôt la pénurie. Gabriel de la Varende a
hérité en 1968 d'une grand-tante les grottes d'Arcy et le manoir du Chastenay. Lui, en 2007, de beaucoup de dettes, et d'un chien. « C'est le seul bien qui n'était pas hypothéqué », dit-il en souriant. Dur de reprendre le flambeau après un père fantasque, prêt à tous les sacrifices pour faire vivre cet héritage.
« Il était trop content. Il était de cette génération de nobles qui n'avaient pas de château après la guerre. Et là, il réunissait son statut de comte avec un bien. Mais c'était déjà plein de problèmes. Ma mère ne voulait pas y venir et c'était devenu une source de problèmes entre eux. »
En 1974, François de la Varende n'a que 16 ans, mais il préfère s'enfuir. « Des parents qui divorcent, c'est jamais facile. » Il part sur les traces d'un aïeul, François de Mornerancv-Laval. premier évêque de Québec. « J'ai fini mon high school puis je suis parti à l'université d'Ottawa faire de la philo. Et un peu pour éviter l'armée. Ils m'avaient foutu dans les chars allemands et je suis claustrophobe. »
Peintre à Hawaï
Il découvre le Canada, accumule les petits boulots, et embraye sur un tour du monde. « J'ai peint des maisons à Hawaï, travaillé dans une saumonnerie en Alaska, découvert le Japon en stop. » Il rentre au Canada, fait les saisons de ski dans les Montagnes rocheuses, arrose les golfs l'été et finit par construire des maisons en bois. « Là-bas, il suffit d'avoir un marteau et un camion. »
Il promeut ensuite les techniques d'isolation pour le compte du gouvernement. Mais revient de temps en temps voir son père. « Il était tout seul, survivait avec 5 francs par jour, comme un pauvre moine. Mais il s'était pris de passion pour cette maison. Ça me paraissait assez extravagant, j'étais admiratif qu'une passion puisse vous emmener aussi loin. Il n'a d'ailleurs pas toujours été bien compris des gens d'ici. »
Après plus de 20 ans de chicaneries judiciaires, Gabriel de la Varende récupère la grotte d'Arcy en 1990 et l'ouvre grand aux chercheurs. C'est grâce à cela que seront mises au jour une bonne centaine de peintures vieilles de plus de 28.000 ans. « Pour mon père, c'était un rêve de voir que cette aventure continuait. Il m'envoyait les articles de presse. Il était très fier de ça. »
Au début des années 2000, François de la Varende est de retour à Paris Son épouse Sheila est en poste à l'ambassade du Canada. « Ça devait durer trois ans. Je ne voulais pas rester. Mais mon père est tombé malade et je me suis occupé de lui. » En mars 2007, Gabriel meurt et François prend le relais « Encore maintenant, je ne fais que m'occuper de ses dettes. On va y arriver, mais c'est long. » Le manoir est à vendre. Pas les grottes. « Elles allaient être fermées à cause de 100.000 euros de TVA en retard. Mais ça devrait aller. Les grottes, c'est rentable et c'est une belle aventure. »
Qui sait, son fils Emmanuel héritera peut-être d'un trésor sans dettes.
Yves Durend
BIOPRESS
1974
À 16 ans, il quitte sa famille pour faire ses études au Canada.
1980
Études terminées, il évite le service militaire et part pour un tour du monde.
1992
Naissance de son fils, Emmanuel.
2007
Le 9 mars, mort de son père, Gabriel. Il reprend le flambeau.
2010
La grotte d'Arcy va fêter les 20 ans de la découverte du bouquetin. Plus d'une centaine d'autres animaux ont depuis rejoint ce bestiaire rupestre vieux de plus de 28.000 ans.
